La peau endurcie de soleil,
les mains rudes d’avoir servi la terre,
le ventre plein de saveurs sauvages,
le cœur comblé de rires,
il sera bientôt temps de partir…
Lever le voile,
retrouver la mer ;
elle aura tout purifié j’espère,
effectué un grand nettoyage,
afin que nos pas soient plus sages,
afin que nos cœurs soient plus ouverts,
afin que nos actes soient plus conscients.
Je ne suis pas pressée de partir,
bien que mon cœur vers ceux que j’aime m’attire ;
car ici, aux confins de l’Italie,
j’ai trouvé une sœur, c’est une sorcière ;
comme ma mère elle s’appelle Teresa,
et elle a sept chats.
Comment lui dire adieu sans sentir une certaine envie
d’immortaliser cette rencontre unique
qui m’a été offerte dans un moment historique,
où la Mère-Terre a repris son rôle
de bienfaitrice pour l’humanité.
Et ma nouvelle sœur et moi,
nous nous sommes accompagnées ;
elle par sa vie spontanée et sauvage,
moi par ma force, accompagnante des passages…
Le vent se lève.
Aujourd’hui il me chatouille, me soulève,
m’appelle à faire mes bagages.
Le monde revient lentement à lui-même,
bouleversé par un grand rêve,
vision annonciatrice d’un futur métamorphosé.
Tout doit changer.
Tout doit muter.
Tout doit lutter.
Nous ne pouvons plus marcher
dans nos vieux souliers…
J’entends le vent me chanter,
mais aussi les fleurs,
qui dansent dans ce paradis montagneux.
Elles s’éclatent, bercées par les cieux
qui descendent caresser leurs pétales,
faire valser leurs effluves
jusqu’à mes sens enchantés.
Leur spectacle m’invite à demeurer éveillée,
le temps d’une dernière chanson,
le temps d’un dernier rappel,
que bien que la soirée s’achève,
il ne faut surtout pas s’endormir
avant d’avoir fait le pacte
d’un lendemain habité par la Vie.
Le vent s’intensifie, siffle fort,
m’invite à retourner vers le Nord.
Immobile, pour un moment encore,
je l’écoute, je le regarde, je le bénie ;
je le remercie de m’avoir un temps transportée ici,
me permettre de vivre la terre,
de danser le ciel,
de célébrer la vie
dans sa plus simple expression,
corps, âme, esprit réunis…
Que retrouverais-je quand je descendrai des montagnes
et que le bruit des abeilles s’apaisera…
Y aura-t-il plus de regards engageants ?
Y aura-t-il plus de sourires invitants ?
Les masques tomberont-ils ?
La peur de l’autre sera-t-elle amoindrie ?
Les rues seront-elles moins pavées
d’inconscience et d’insouciance ?
Mon cœur me dit de l’espérer…
Je sens mes ailes s’ouvrir,
mes pieds s’envoler ;
il faut pratiquer l’ascension,
ne pas perdre la direction,
celle qui me propulse plus grand et plus loin,
au-delà de l’humain,
au-delà d’aujourd’hui ou de demain,
dans l’espace où l’union
du ciel, de la terre et de leurs enfants
nous offre cette essentielle vision
de cœurs qui battent à l’unisson.
Le vent se lève,
je dois bientôt partir.
Je n’oublierai jamais ces montagnes et leur magie,
cette escale où le temps,
avec une belle sorcière sicilienne et ses chats m’a réunie.
Je partirai le cœur rempli ;
et ma valise elle aussi,
sera rassasiée d’oranges, d’olives et de pain frais.
Merci Teresa, merci mon amie ;
que le vent puisse un jour, toi aussi,
vers le Nord te soulever et te guider,
pour que le ruisseau aux têtes de violon
puisse à son tour te rencontrer.
Nous ferons une grande fête,
nous inviterons le ciel et la terre,
dans une grande célébration de la vie
et de tous ses mystères.
Le vent se lève,
un dernier coup de balais…
Que l’envol soit gracieux,
au temps des adieux.
Merci Sicile, merci Grande Mère,
de m’avoir si bien entourée de tes terres.
Tu m’as montré que chaque jour
devient éternité quand on est tous unis ;
et que l’éphémère n’est qu’illusion
d’une distanciation dans ce monde et ses environs.
Je marche aujourd’hui d’un pas plus conscient,
plus lent, moins impatient ;
et je le souhaite, sur tous les continents.
Le vent se lève ;
la nouvelle terre émerge ;
l’humain volage s’enracine
dans son humanité retrouvée.
Et moi je mets mon chapeau pointu,
prête à l’envol, prête à découvrir,
Ce qu’il y a en bas des oiseaux,
Ce qu’il y a de beau,
Ce qu’il y a de nouveau,
dans ce monde que je trouve si grand, si beau…