TOUT EST PARFAIT DANS L'IMPARFAIT...
Tout est parfait dans l’imparfait…. C’est une phrase que je répète souvent ; à mes amis, à ma famille, mais surtout, à moi-même.
Elle me revient aujourd’hui à l’esprit, comme un rappel et un constat à la fois. Elle me rappelle de ne jamais douter, même dans mes moments de doute. Elle me rappelle que l’inconfort me fait grandir. Elle me rappelle que je ne suis jamais seule, que je suis guidée et portée vers mon accomplissement, à travers les crevasses et les égratignures….
Elle me fait ensuite constater que l’imparfait, dans sa fureur de vivre, apporte ce qui doit être vécu et brisé et réparé et intégré. Comme un vase ancien qu’on a tant de fois cassé et réparé et qui, aujourd’hui, a pris tellement plus de valeur…. L’imparfait me façonne, laisse ses traces sur mon âme, comme des tatouages de l’aura, témoins de mon chemin de pèlerin.
Elle me fait aussi voir combien l’imparfait est exaltant, stimulant, passionnant, malgré sa ténacité à vouloir me déstabiliser.
Cette perfection dans l’imparfait me montre ses couleurs de façon marquée ces jours-ci ; elle apparaît par un logis accédant directement à une petite plage reculée, que j’ai trouvé après avoir reçu l’annulation de celui prévu au départ. Elle se manifeste par la marche époustouflante de découvertes et de beautés que j’ai vécue en me faisant renvoyer d’une tabagie à une autre pour résoudre mon problème de cellulaire. Elle prend aussi forme dans ce sicilien venu à ma rencontre avant-hier pour m’offrir sa bienveillance et une approche exempte de peur. C’est enfin cette grande paix qui m’a habitée ce matin en m’éveillant et en ressentant au plus profond de mon être que je suis au bon endroit au bon moment et que j’ai l’immense privilège d’avoir bientôt passé cinq mois dans ce mystérieux et fascinant pays de mes visions d’adolescente.
Moi qui ai longtemps voulu être parfaite, comme si c’était un gage de la réussite de ma vie d’humaine, je réalise que ce sont plutôt mes imperfections qui me rendent plus vertueuse, plus apte à la compassion, moins portée vers le paraître, davantage vers l’être. Ce sont ces leçons de vulnérabilité qui m’enseignent l’humilité de servir. J’ai encore tant à apprendre, tant de roches à sentir dans mes souliers….
Je me souviens d’un jour, il y a une vingtaine d’années, alors que ma chère amie Jennie me guidait vers un cercle de sœurs qui voulaient honorer ma fragilité, porter l’enfant meurtrie, la bercer, l’accompagner… j’avais si peur de dévoiler mes failles…. Je lui disais : «Non, je ne peux pas, je ne veux pas» ! Je croyais que l’imperfection serait jugée et qu’on me jetterait aux poubelles comme un vieux vase qui ne sert plus. Jennie m’a entourée de toute sa douceur d’enfant, de toute sa puissance de grand-mère ; et elle m’a conduite dans le cercle d’amour malgré mes gémissements, en affirmant : «Oui tu le peux».
Je crois que c’est la première fois où j’ai accepté la vulnérabilité et l’imperfection comme étant des alliés plutôt que des ennemis. Et la phrase est apparue graduellement dans mes dialogues intérieurs et s’est manifestée de plus en plus souvent dans ma vie. Ce n’est pas surprenant qu’elle refasse surface aujourd’hui, avant que je glisse et me fasse trop mal. On ne voudrait pas qu’une entorse empêche ma marche. Une égratignure suffira, merci !
Kishori m’écrivait, hier : «On t’aime, calme ou pas» ! Cela m’a ramenée directement aux bras de Jennie qui me soutenait doucement (mais fermement !) vers le cercle de sœurs. J’ai souri et j’ai accueilli avec plaisir ce clin d’œil de l’univers qui me rappelait encore une fois que mes vulnérabilités sont essentielles et que je peux les vivre collectivement sans crainte d’être jugée et condamnée. J’avais peut-être, sûrement, besoin de ce rappel, pour accueillir encore plus tout ce que ce voyage a à m’offrir.
Merci Jennie, merci Kishori, merci ma famille, merci ma communauté, merci frères et sœurs de l’humanité, merci Mère Nature, merci êtres du règne animal (des plus microscopiques virus aux plus grands), merci roches et eaux !
Je quitterai cette terre dans un temps où ils auront à nouveau ouvert ses frontières au reste du monde. J’aurai eu le bonheur de la voir presque nue, nature rocailleuse, explosive, baignée de soleil et de fleurs, entourée de mers veilleuses. C’est du parfait dans l’imparfait, du sublime dans l’abîme….
Lyne Castonguay
Letojanni, Sicile, Italie