EAU-PÉRA-ROC
Avant ce voyage, j’ai reçu un gage;
Fleur de bach : eau de roche ;
défaire l’exigence démesurée envers soi-même ;
adoucir nos penchants à la droiture ;
apprécier les courbes et les imperfections….
Je vibre aux résonnances de la divine combinaison.
Je vis d’eau et de roches.
Mes marches s’éternisent.
Dans ce pays des dieux, j’ai débuté pieds nus,
d’un élan incertain, les muscles tendus.
Etna la nymphe me surveillait,
me laissa passer en fumant son calumet.
Les pieds sensibles, j’ai enfilé des bas,
pour moins sentir le dur, alléger l’émoi.
La tension en moi diminuait,
mais ma confiance se méfiait ;
j’ai rajouté une couche pour mieux me protéger
et accéléré le pas, pensant mieux avancer.
La peur nous fait toujours reculer ;
les dieux le savent, ils m’ont regardée,
et dans leurs bras bienveillants, m’ont soulevée,
pour que ma vue vers The Big Picture soit tournée.
Mais la perfection étant têtue, dans mes deux bas j’ai inséré
une sandale, un coussinet pour mes pieds.
Dans les eaux fébriles de cette mythique Protée,
je me suis fièrement élancée.
Vint ensuite le temps d’accalmie,
là où on sent que tout ira bien.
En sortant des bras d’Océanie,
je constatai qu’il n’en était rien.
Le feu d’Etna venait me confronter,
brûlait mes bas, infiltrait mon confort.
Que voulaient les dieux, mon salut ou ma mort ?
La peur revenait au galop, pour me paralyser.
Je décidai alors de retourner à la source,
Je m’assis sur les roches, cessai ma course.
Devant Etna et Océanie, je m’inclinai et priai.
Elles me répondirent : remets-toi pieds nus….
J’enlevai mes sandales et mes deux paires de bas….
Voyant mes pieds noircis, Océanie soupira ;
et de ces douces caresses, elle m’enveloppa.
La guérison fut instantanée,
un grand raz de marée.
L’eau transforme le roc ;
l’amour transforme la peur.
Nous sommes les enfants de la Terre,
sachons-le, c’est sans équivoque.
Océanie et Etna ont répondu à mes prières,
m’ont chanté un opéra rédempteur.
Le paradis se trouve sur terre,
je le réalise aujourd’hui et j’ai moins peur.
L’eau improvise ses états d’âme sur la roche.
J’ai retrouvé l’univers dans cette soprano et son ténor.
Robe rose, paillettes d’or,
smoking noir aux fines incrustations ancestrales.
À chaque hésitation, j’ai reçu leurs offrandes messagères ;
roches cœur, chat, chien, papillon, corneille,
roches lune, vague, montagne, soleil.
Enivrée par la symphonie mystique, j’ai compris, non sans mal,
que la marche doit être un cérémonial,
que pour aller au fond de l’histoire
on doit laisser l’eau forger le roc, c’est notre seul espoir.
La roche, à force de résilience,
s’assouplit, devient moins dense.
Cette co-création résulte d’un amour réciproque
et crée ainsi le plus éclatant eau-péra-roc.
Ma valise remplie de vos habits,
chères Etna et Océanie;
je repars avec vos messages, vos injonctions
que la beauté du monde soit notre seule mission.
Lyne Castonguay
Scalea, Italie