INSPIRER, EXPIRER...

Aujourd’hui je n’écrirai pas de poème, ni de rimes…

Tout simplement, je dirai que la notion théorique, spirituelle, yogique de respiration comme moyen essentiel pour rester calme dans les eaux surmenées, est bien testé depuis quelques jours, depuis que je suis sortie des montagnes et ai rejoint ce qui constitue aujourd’hui la communauté des humains à Letojanni, Sicile, tout près du célèbre village Taormina.

Inspire, expire, c’est ce qui revient le plus souvent dans mon dialogue intérieur, ce que je me dois d’installer comme médecine quotidienne, pour conserver le moment présent et ressentir plus que tout la beauté de ces lieux semi-déserts.

C’est que, voyez-vous, le déconfinement crée, paradoxalement, chez ces chers italiens-siciliens, un accroissement impressionnant de peur et de méfiance. Autant ils avaient hâte de sortir, autant on voit dans les rues les masques portés de façon démesurée, même en marchant seul au bord de mer.

Mais cela n’est certainement pas la cause de mon besoin urgent de souffle renouvelé en conscience, de façon continue…..

Non, la cause de cette nécessité accrue de thérapie du souffle intérieur, c’est de subir chaque jour, depuis ma sortie, des revirements, des fermetures, des annulations, des semi-annulations, des lignes téléphoniques fermées, des sites internet non fonctionnels, des services qui me renvoient à l’autre, puis au voisin, puis à celui du coin….

Oh, que je suis tentée de faire des rimes….. mais non, l’heure est au direct, point par point, sans virgule ni dorure…. que du vif…..

Je vis donc, la dichotomie d’un paradis de la nature, de mon appréciation sans bornes pour cette expérience grandissante et ce moment unique dans une vie, conjugué avec ma frustration, ma désolation, ma dépression momentanée, ma rage, mon incompréhension, ma frustration, l’ais-je dit?…. de devoir, chaque jour, recevoir un courriel d’un hôte, d’une compagnie d’aviation, d’une ligne de trains, de bus, de cellulaire, qui me disent que rien ne va plus!

Misère, oh misère, qu’ais-je fait au bon Dieu pour être déchirée ainsi?! Est-ce la réalité de cette pandémie qui tout-à-coup vient apparaître dans mon aura? Étais-je si innocente là-haut avec les chats, pour croire que j’étais épargnée de hargne dans ces temps inhabituels?!

C’est là qu’intervient le INSPIRE, EXPIRE…. Mon intuition m’a dit de demeurer près des vagues pour ce restant de voyage, je comprends pourquoi. Elles me ramènent chaque jour à leur essence, à la mienne, au mouvement perpétuel du va et vient, du remplissage et de la vidange, le grand nettoyage…

C’est tout ce qui me ramène au présent, en ce moment, ce bruit des vagues, leur pensée seule me permet de détendre mes neurones nerveux. Dans un mois, peut-être, je partirai d’ici. Si on me laisse voyager, si les trains repartent, si les hôtes accueillent, si les avions décollent… mais d’ici là, je ne peux que respirer, continuer à marcher et à explorer ce lieu qui m’offre des paysages vierges (on se souvient des déconfinés peureux comme la mauvaise herbe devant mon chum….) et des occasions uniques de capturer en image la beauté naturelle de la Sicile.

Je devais partir le 12, puis le 13, on est aujourd’hui rendus au 14…. Inspire, expire. Les siciliens m’ont temporairement adoptée, mais je doute qu’à la longue ils apprécient mon identité de nordique, ma droiture et mon sens de l’organisation! Et d’ici à ce jour de mon (probable) départ, je continue à développer la nonchalance d’une simili-italienne en transit, entre deux mondes, entre deux respires.

J’avais pensé avoir compris la majorité des raisons conscientes et inconscientes qui m’avaient conduite ici dans ces temps surprenants, mais je réalise que le voyage est loin d’être terminé, que le grand air marin m’appelle à aller encore plus loin dans le dépassement de mes limites intérieures. Il me dit d’être courageuse, de ne pas craindre les vagues, qu’elles passent, que tout passe, et qu’il y a encore et toujours des anges qui guident mes pas, qui soutiennent mes moments de doute ou de panique, qui élèvent ma capacité à faire confiance. Et surtout, que je rentrerai un jour au bercail, en autant que je continue à inspirer et à expirer…

Lyne Castonguay