AU BOUT DU TUNNEL
Le bruit des voitures qui circulent, des trains qui passent, des chantiers qui construisent…
De l’ancien dans le nouveau.
Les oiseaux s’affolent un peu,
s’élèvent dans leurs vols collectifs,
histoire d’éclipser le bruit en bas, de repousser l’inévitable…
J’écoute les vagues faire rouler les cailloux à chaque expiration;
au loin, du carburant active la machine à remonter le temps.
Je me détourne, mes oreilles écorchées par l’oubli du métal;
là où j’étais, il n’y avait que bois, pierre et vent.
Mais je ne suis ni ascète, ni ermite, ni asociale,
et comme les plus audacieux, je suis sortie…
Curieuse de voir ce qu’il y avait de l’autre côté,
je me suis avancée avec hardiesse et curiosité.
Ce n’est pas facile emprunter le tunnel du contemporain,
alors que deux mois ont suffi pour me faire oublier…
Oublier que le monde doit continuer,
que les oiseaux ne sont pas maîtres chez eux,
que la peur existe toujours et autant,
malgré les enseignements offerts gratuitement par le confinement.
Comment unifier les deux mondes,
imbiber l’avant de l’après,
ne pas laisser le temps d’effacer
tout ce qui a été créé…
Les vagues puissantes viennent me rappeler…
Inspirer…
Expirer…
Si simple, cette vague naturelle quand tout converge harmonieusement
pour créer le moment présent.
Elle me rappelle que c’est tout ce qui existe,
qu’il n’y a en réalité ni après, ni avant,
que je ne peux trouver le maintenant qu’en moi, en dedans.
Inspire, expire…
Tout est là, renouvelé constamment.
La curiosité innocente reprend sa place,
je m’allonge, les pieds dans l’eau vivifiante,
le regard tourné vers le ciel et ses oiseaux;
les bruits du métal s’apaisent, disparaissent,
je retrouve mon paradis sur terre,
celui d’en dedans du coeur, le primordial.
Et je réalise que le nouveau monde,
celui d’après la peur,
c’est partout que je le trouverai.
Je n’aurai pour cela, qu’à respirer.
Et me souvenir d’une montagne, d’une sorcière, de ses sept chats,
qui sont à jamais gravés dans ma mémoire.
Remercier le chemin qui m’aura conduite,
dans les hautes voltiges d’une mère intérieure.
Ça sent le bois brûlé,
on se débarrasse de ce qui est mort,
pour faire de la place aux nouvelles pousses.
Mes oreilles deviennent sélectives;
elles écoutent le chant des vagues sous le vent,
le tambour des cailloux sous les vagues,
la résonance de la terre sous les cailloux,
le crépitement du feu au coeur de la terre…
Je retrouve mon centre,
au coeur de mon coeur.
Je poursuis au présent
ma vie d’avant et d’après.
Le voyage n’est pas terminé,
le voyage n’est jamais terminé;
mais la voyageuse a un peu changé;
elle a ralenti son rythme,
a pris un peu plus d’assurance,
pour aller un peu plus loin,
dans le tunnel de sa vie.
Un oiseau géant survole le ciel,
et malgré son métal, je ne peux que l’aimer;
car c’est sous ses ailes que bientôt je m’envolerai,
vers ceux que j’aime et qu’enfin je reverrai.
Lyne Castonguay
Letojanni, Sicile, Italie
7 mai 2020