BACCHUS

Dans cette escale entre ciel et terre,

j’ai respiré et apprécié le grand air ;

il m’a inspiré de nombreux vers,

m’a fait porter un nouveau regard à notre Mère-Terre ;

mais ce que je ne vous ai pas encore partagé,

et qu’aujourd’hui je vais vous avouer,

c’est qu’ici, dans cette sauvage contrée,

un dieu règne, est vénéré,

c’est Bacchus, dieu du vin,

et je l’ai rencontré, cet être divin !

Autant et même plus connu que Nostradamus,

il commande et agrémente les repas de ses enfants,

il incite les papilles les plus récalcitrantes,

à se livrer à des dégustations décadentes ;

que ce soit pour accompagner pasta ou asparagus,

on ne peut guère lui refuser, tout simplement.

Son nectar est distribué aux quatre vents,

impunément, dans n’importe quel contenant.

Il transforme les anciennes eaux en vin ;

la bouteille d’aqua minerale devient carafe c’est certain.

On l’achète à un, deux, cinq litres, même en confinement,

au petit matin, devant l’entrée du couvent.

Asparagus, humus, mordicus lingus,

On est tous ici, sous l’influence de Bacchus.

Il aromatise les sauces, nettoie les fonds de cuisson,

fait baigner les saucisses, pour notre plus grande satisfaction.

Un petit verre le midi,

on m’a offert, je me le suis permis.

Puis un ou deux le soir, question de ne pas perdre la face,

après trois mois, je me sentais déjà à ma place !

Mais à travers ces rougeâtres ablutions,

qui pourraient avoir la prétention d’abrutir,

le maître a eu la précaution de nous avertir

que le pourcentage d’alcool était la solution.

Ainsi, chaque jour, je peux me délecter

dans les arômes sans appréhender

qu’après des mois en Sicile passés,

je sois devenue trop amochée.

Une chose par contre, traverse ma pensée,

à mon retour au Québec, que va-t-il se passer,

quand un verre de vin je dégusterai

et un peu pompette, me sentirai ?

Devrais-je oublier mes immersions du midi

adopter une retenue nécessaire à ma survie ?

Oublier Bacchus et son église,

renier le dieu et sa devise ?

Ou bien chercher les arômes d’une Sicile gitane,

dans les arrières cours poussiéreuses d’une société catholico-anglicane ?

Le bon vin n’est pas le plus fort, ni le plus cher et cela de loin ;

pour deux litres, on paie trois euros chez le fermier du coin.

Il nous descend dans la gorge comme une douce brise printanière,

on en boit sans crainte, ni grande fanfare, ni grande prière.

Il fait tout simplement partie des petits plaisirs de la vie,

comme les jours et les gens de ce pays.

Il me reste encore un peu de temps,

avant de devoir quitter ce pays et ses habitants.

Qu’apporterais-je dans mes bagages,

en souvenir de ce voyage ?

Un bon vin, un bon cépage,

du voisin, c’est certain !

Et lorsque mon mari fera du vin, lui aussi,

je lui parlerai de Sicile, de Bacchus et de ses favoris.

Je lui dirai de restreindre le temps de fermentation,

afin de limiter l’alcool et son action.

Et ainsi pourrons-nous allègrement

nous adonner aux plaisirs du bon vin sans ses désagréments.

Je poursuivrai, fidèle adepte et adoptée

la religion des italiens et des repas bien arrosés.

Un dernier verre de rouge, à votre santé !

Merci Bacchus, pour tout ce que j’ai dégusté.

Au grand plaisir de se retrouver

de l’autre côté de l’océan, au fond d’une petite rangée.

On lira vins italiens, mais il faudra chercher,

car le sicilien sera assurément caché.

Comme sa terre mère, cette oubliée,

c’est un secret bien gardé !

Ciao, amici !

Cin Cin, arrivederci !

Lyne Castonguay

Chiaramonte Gulfi, Sicilia, Italie

1er mai 2020

Lyne Castonguay