PÂQUES

PÂQUES 

Ils ont connu la guerre.

Ils ont semé la terre.

Ils ont érigé des paradis.

Ils ont vécu Pompéi.

 Ils sont artistes, artisans, paysans.

Ils éternisent le temps,

mythes éphémères des saisons d’un roman,

témoins oculaires de tant de tremblements.

 Ils regardent, par les fenêtres,

leur histoire devenir légende.

Confinés dans les ombrages de leurs ancêtres,

seuls avec leurs prières

à la veille d’une Pâques meurtrière.

Ils espèrent un miracle, la renaissance,

un sursis à leur existence.

Mais le temps s’amuse avec eux,

les nargue, les tient en émeu.

Auront-ils la chance de contempler

les paysages du nouveau monde émerger ;

alors que chaque instant prolongé,

dans cet arrêt forcé,

les rapproche de leur épilogue

sans qu’on puisse les aider.

Ils sont oubliés, les oublieux ;

siciliens fiers mais vieux.

Comme les oliviers tordus par la chaleur,

ils se recroquevillent et attendent leurs heures.

Pendant que le monde se reforme,

ils disparaissent dans leurs demeures.

Seuls, on les voit par milliers

regarder leur vie passée

et n’espérer qu’une fin bénie,

en cette Pâques disgraciée.

 Allez en paix, sages grands enfants de ce pays ;

votre histoire se termine en grandes pompes,

même si on vous retrouvera seuls dans vos petits lits.

Vos mémoires seront transcrites

par ceux et celles qui auront survécu

au changement du siècle et de ses rites,

annoncé il y a longtemps par quelques élus.

 Ne pleurez plus votre vie suspendue ;

le roc et la mer dans leurs bras vous portent

jusqu’à la nouvelle rive qui assurera votre salut.

Et l’âme qui avait trouvé refuge,

le temps d’une vie dans ces terres anciennes,

connaîtra à nouveau la joie

d’une liberté sereine.

Sans portes, ni fenêtres,

ni noirceur, ni mal être,

le nouveau monde sera léger ;

nuage d’espoir,

oiseau céleste,

Pâques sera tous les jours,

à se renouveler dans l’amour.

Lyne Castonguay

13 avril 2020

Pâques, Sicile, Italie

 

Lyne Castonguay